Le spectre d'une offensive russe en Ukraine grandit
Le feu vert mardi du Parlement russe à une opération militaire en Ukraine est "le début d'une invasion" du pays, a dénoncé le président américain Joe Biden, en dévoilant de premières sanctions contre Moscou, comme ses partenaires occidentaux.
La crainte d'une escalade militaire en Ukraine, aux portes de laquelle 150.000 soldats russes ont, selon Washington, été déployés, est à son paroxysme depuis que Vladimir Poutine a reconnu lundi l'indépendance des entités sécessionnistes de Lougansk et de Donetsk, situées dans l'est de ce pays.
Le président russe est "en train d'élaborer des justifications pour aller beaucoup plus loin", a déclaré Joe Biden dans une adresse à la nation, 24 heures après la décision majeure de son homologue. "Il est encore temps d'éviter le pire", a-t-il cependant ajouté.
A Moscou, le vice-ministre de la Défense Nikolaï Pankov a lu devant le Sénat une demande du président russe de déployer des troupes dans les entités de Donetsk et Lougansk, au motif qu'une "armée (ukrainienne) de 60.000 hommes et de blindés lourds" serait prête à attaquer.
Il a laissé planer le doute sur le calendrier de l'envoi de forces armées, en réclamant une "démilitarisation" de l'Ukraine, qui ferait "mieux" de renoncer à son ambition de rejoindre l'Otan pour choisir la "neutralité".
"Je n'ai pas dit que nos soldats vont y aller là, maintenant (...) Cela dépendra, comme on dit, de la situation sur le terrain", a-t-il déclaré. Juste après, la diplomatie russe a annoncé l'évacuation prochaine de ses diplomates d'Ukraine.
M. Poutine a aussi revendiqué pour les séparatistes l'ensemble des régions administratives de Lougansk et de Donetsk, dont la superficie dépasse largement celle des territoires sous leur contrôle. Il a évoqué d'hypothétiques "négociations" entre Kiev et forces prorusses.
L'intervention russe serait justifiée légalement par la ratification mardi d'accords d'entraide, notamment au plan militaire. Et Moscou a aussi établi des relations diplomatiques avec les deux régions.
- Premières sanctions -
L'Otan s'attend à "une attaque massive" de la Russie en Ukraine, a annoncé dans ce contexte son secrétaire général, Jens Stoltenberg.
Sans attendre, les Occidentaux ont pris de premières sanctions en réaction à la reconnaissance des séparatistes que Kiev combat depuis huit ans, un conflit qui a fait plus de 14.000 morts.
La mesure la plus spectaculaire a été annoncée par Berlin, qui a gelé le gigantesque projet de gazoduc Nord Stream II, qui devait acheminer encore davantage de gaz russe en Allemagne.
A la Maison Blanche, Biden a lui annoncé une "première tranche" de sanctions visant à empêcher Moscou de lever des fonds occidentaux pour rembourser sa dette souveraine.
Elles viseront également des banques russes et certaines "élites" du pays.
L'UE a adopté un paquet de sanctions qui "feront très mal à la Russie", a assuré le chef de sa diplomatie, Josep Borrell.
Et le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé des sanctions visant trois oligarques proches du Kremlin et cinq banques russes, des mesures a minima pour Londres, la place-forte financière des grandes fortunes russes.
Il s'est dit aussi opposé aux matches internationaux en Russie, comme la finale de Ligue des champions de football prévue fin mai à Saint-Pétersbourg.
Ces mesures restent pour l'instant modestes par rapport à celles promises en cas d'invasion d'ampleur.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dont le pays a réclamé mardi des "armes" et des garanties sur son adhésion à l'UE, a fait savoir qu'il envisageait désormais une rupture des relations diplomatiques avec Moscou.
Accusé par Kiev de vouloir "ressusciter l'URSS", M. Poutine s'est lui au contraire défendu de chercher à "reconstituer un empire".
- "Pas peur" -
Le président russe, qui dicte depuis le début le tempo, entretient le mystère sur ses intentions et a plusieurs options devant lui : envahir toute l'Ukraine, élargir la zone sous le contrôle des séparatistes ou arracher un nouveau statu quo négocié.
Car une occupation pourrait coûter cher dans un pays hostile, et la Russie veut obtenir de l'Otan son recul en Europe de l'Est et la fin de sa politique d'élargissement. Des exigences rejetées jusque-là.
Le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov a pour sa part prévenu mardi que des "épreuves difficiles" et des pertes attendaient l'Ukraine.
Dans la nuit, le président Zelensky avait de son côté assuré que les Ukrainiens n'avaient "peur de rien ni de personne" et ne céderaient pas "une seule parcelle du pays".
Sur la ligne de front, des tirs avaient toujours lieu avec les séparatistes.
Kiev dément toute action offensive, contrairement aux affirmations de Moscou, accusant ses adversaires de propager de fausses informations visant à tenter de justifier une intervention.
A Chtchastia, des habitants de cette petite ville proche des zones séparatistes nettoyaient mardi les dégâts causés par des obus tombés la nuit précédente sur un quartier d'habitation.
Valentyna Chmatkova, 59 ans, dormait quand les projectiles ont explosé, soufflant les vitres de son deux-pièces. "On ne s'y attendait pas. On ne pensait pas que l'Ukraine et la Russie n'arriveraient pas à s'entendre au final", déplore-t-elle.
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