Les craintes d'une intervention russe en Ukraine à leur comble
Les craintes d'une intervention militaire russe en Ukraine se sont encore accentuées vendredi avec la multiplication des heurts entre séparatistes prorusses et forces ukrainiennes, un scénario de "provocations" selon les Etats-Unis.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a dénoncé la mise en oeuvre d'"un scénario" de "provocations" conçu par les Russes en vue de justifier une attaque de l'Ukraine, après deux journées de heurts qui ont conduit les autorités sécessionnistes à ordonner l’évacuation des civils.
Son homologue de la Défense, Lloyd Austin, a affirmé que l'armée russe envoyait "davantage de forces" et se préparait à une intervention "en se rapprochant de la frontière, en positionnant des troupes, en augmentant leurs capacités logistiques".
Un responsable américain a estimé vendredi que la Russie disposait de 190.000 hommes aux abords de Ukraine et sur son territoire, en comptant les forces séparatistes. Jusqu'à alors, ils parlaient de 150.000 aux frontières du pays.
Le président américain Joe Biden rejoint vendredi les dirigeants de plusieurs pays européens, de l'Otan et de l'Union européenne pour une réunion virtuelle.
Son homologue russe Vladimir Poutine a accusé Kiev de nourrir le conflit et constaté une "aggravation de la situation dans le Donbass", région où l'armée ukrainienne affronte depuis huit ans les forces prorusses soutenues par Moscou.
"Tout ce que Kiev a à faire, c'est de se mettre à la table des négociations avec les représentants (des séparatistes) du Donbass et de s'entendre", a-t-il dit, recevant son homologue du Bélarus et allié, Alexandre Loukachenko.
Toute la journée, les belligérants se sont accusés de violer une trêve et d'user d'armes lourdes.
Le président français Emmanuel Macron, qui avait tenté une médiation en Russie et en Ukraine début février, a appelé à la "cessation des actes militaires", notant que "la pression militaire russe ne faiblit pas".
L'Occident unanime a promis à la Russie des sanctions économiques dévastatrices si elle attaquait l'Ukraine.
Une menace une nouvelle fois balayée par Vladimir Poutine vendredi : "Les sanctions seront introduites quoi qu'il arrive. Qu'il y ait une raison ou pas, ils en trouveront une car leur but est de freiner le développement de la Russie", a-t-il affirmé.
- Tenir des armes -
Dans l'après-midi, des bombardements se sont encore fait entendre à Stanitsa Louganska, une ville sous contrôle ukrainien, selon des journalistes de l'AFP. Elle avait déjà été touchée la veille par des tirs qui ont notamment touché une école maternelle.
Le dirigeant de la république séparatiste autoproclamée de Donetsk, Denis Pouchiline, a de son côté annoncé une évacuation des civils vers la Russie, "en premier lieu les femmes, les enfants et les personnes âgées".
Son homologue de la "république" voisine de Lougansk, Léonid Passetchnik, a fait de même avant d'appeler "tous les hommes capables de tenir une arme à défendre leur patrie".
La Russie a quant à elle de nouveau affirmé vendredi procéder au retrait d'unités militaires des abords de l'Ukraine.
"Cela n'a pas lieu", a cependant déclaré le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov vendredi devant les députés.
Selon Washington, la Russie cherche un prétexte pour attaquer l'Ukraine et un regain de violences dans le Donbass pourrait en être un, Moscou se voyant comme le défenseur des populations russophones de la région, d'autant qu'elle y a distribué des passeports russes à la population.
Selon l'armée ukrainienne et les rebelles, les violations du cessez-le-feu se comptaient par dizaines vendredi, mais aucun camp n'a fait état de morts, tout au long de la ligne de front de plusieurs centaines de kilomètres.
Le conflit a fait plus de 14.000 morts depuis 2014.
Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont rapporté une hausse significative des tirs, avec 189 violations du cessez-le-feu dans la région de Donetsk jeudi, contre 24 mercredi. Dans la région de Lougansk, 402 violations ont été rapportées contre 129.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a accusé l'OSCE de partialité, lui reprochant "d'atténuer les points qui montrent la culpabilité des forces armées ukrainiennes".
Les accords de paix signés en 2015 à Minsk avaient permis l'instauration d'un cessez-le-feu et une baisse considérable des affrontements, mais des violences sporadiques éclatent encore régulièrement.
La Russie nie tout projet d'invasion mais réclame des garanties pour sa sécurité comme le retrait de l'Otan d'Europe de l'Est, autant d'exigences rejetées par l'Occident.
Moscou, outre son soutien aux séparatistes armés, a déjà annexé un territoire ukrainien, la Crimée en 2014.
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