Equateur: onzième jour de manifestations, incidents devant le Parlement
La police a dispersé jeudi des manifestants qui tentaient d'envahir le Parlement à Quito, au onzième jour des protestations indigènes contre le coût de la vie qui continuent de plus belle en Equateur.
Poussant des cris de joie, plusieurs milliers d'indigènes ont d'abord pénétré dans l'après-midi dans la Maison de la Culture (CCE) à Quito, réquisitionnée depuis plusieurs jours par les forces de l'ordre, a constaté l'AFP.
Ce centre culturel sert traditionnellement de point de rencontre aux indigènes dans la capitale et son libre accès représentait une des conditions des manifestants pour entamer des négociations.
"C'est une victoire de la lutte!", a salué mégaphone en main le leader indigène Leonidas Iza, dirigeant de la Confédération des nationalités indigènes d'Equateur (Conaie), plus grande organisation indigène du pays.
Le gouvernement a finalement autorisé les manifestants à investir ce lieu symbolique, "dans l'intérêt du dialogue et de la paix", a déclaré le ministre du Gouvernement, Francisco Jiménez, dans une vidéo transmise aux médias.
L'"objectif est que cessent les blocages de rues, les manifestations violentes et les attaques dans différents lieux", a ajouté le ministre, tandis que le chef de l'Etat, diagnostiqué mercredi positif au Covid-19, est contraint à l'isolement.
- "Mauvais signe"? -
Objectif visiblement raté, puisque peu après, un groupe imposant de manifestants, mené par des femmes, a tenté de pénétrer dans l'enceinte du Parlement voisin.
Les policiers déployés sur place les en ont empêchés en faisant usage de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes. Les marcheurs ont riposté en lançant des pierres et des feux d'artifice.
La foule s'est ensuite retirée dans un parc voisin.
Le leader des manifestations, Leonidas Iza, qui se trouvait sur place, a jugé que "c'est un très mauvais signe alors que nous avions demandé à notre base de faire une marche pacifique".
Près de 14.000 manifestants sont mobilisés dans tout le pays pour protester contre la hausse du coût de la vie et exiger notamment une baisse des prix des carburants d’après la police, qui estime leur nombre à près de 10.000 dans la capitale Quito.
Si certaines de ces marches sont relativement calmes et festives, des violences éclatent souvent à la faveur de la nuit. La capitale est en partie paralysée.
Mercredi, quelque 300 personnes ont pris le contrôle d'une importante centrale électrique dans la province andine de Tungurahua (sud), mais sans aucun dommage grave ou interruption de service.
En préalable à toute négociation, la Conaie exige aussi l'abrogation de l'état d'urgence en vigueur dans six des 24 provinces et dans la capitale, appuyé par un important déploiement sécuritaire et un couvre-feu nocturne.
Le gouvernement rejette cette exigence et assure que les demandes des manifestants, juste sur les carburants, coûteraient à l'Etat plus d'un milliard de dollars par an.
"Je pleure de voir tant de gens maltraités par ce gouvernement", se plaint Cecilia, une retraitée de 80 ans, qui agite une pancarte sur laquelle est écrit : "Lasso menteur".
"Ils disent que nous sommes des paresseux, que nous ne produisons pas et que c'est pour cela qu'il y a des pénuries", lance la dirigeante indigène Nayra Chalan sur une estrade devant des manifestants.
Les indigènes ont quitté leurs communautés rurales il y a onze jours, mais ne sont arrivés à Quito que lundi, durcissant le bras de fer engagé avec le gouvernement.
Le président conservateur au pouvoir depuis un an, voit dans cette révolte une tentative de le renverser. Entre 1997 et 2005, trois présidents équatoriens ont dû quitter le pouvoir sous la pression des autochtones.
Les manifestations ont fait trois morts, 92 blessés et 94 personnes ont été arrêtées depuis le début de la crise, selon un bilan jeudi de l'Alliance des organisations des droits humains.
En 2019, un précédente vague de manifestations contre la fin de subventions aux prix du carburant avait fait 11 morts et des milliers de blessés dans des affrontements avec la police.
Le président de l'époque, Lenin Moreno, avait été contraint de revenir sur des mesures économiques négociées avec le Fonds monétaire international (FMI).
Le président Lasso peut toutefois compter sur le soutien des militaires qui ont mis en garde mardi les manifestants, les accusant de représenter un "grave danger" pour la démocratie.
M.F.Burton--MC-UK