Morning Chronicle - La désinformation prorusse entre en scène sur le réseau social Bluesky 

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La désinformation prorusse entre en scène sur le réseau social Bluesky 
La désinformation prorusse entre en scène sur le réseau social Bluesky  / Photo: Ian LANGSDON - AFP

La désinformation prorusse entre en scène sur le réseau social Bluesky 

Vu comme un refuge par les déçus de X, le réseau social Bluesky n'est pas à l'abri de la désinformation : de premiers symptômes y apparaissent, rappelant la campagne prorusse "Matriochka" qui a inondé la plateforme d'Elon Musk, avec quelques innovations.

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Spécialisé dans la traque des opérations d'influence, le collectif @antibot4navalny avait révélé il y a un an l'ampleur de "Matriochka" ("Poupée russe"). Ces dernières semaines, il a accumulé les indices d'une réplique sur le jeune réseau américain Bluesky, aux plus de 13 millions d'utilisateurs.

Analysées par l’AFP, ces données montrent des dizaines de publications au mode opératoire similaire, consistant à interpeller des médias pour leur demander de vérifier des infox.

Avec une nouveauté : sur Bluesky, en plus d'imiter parfois des contenus émanant de médias, certains posts recourent à l'intelligence artificielle (IA) pour usurper l'identité d'universités.

Sur le fond, l'objectif semble toujours le même : présenter la Russie sous un jour favorable, tout en critiquant l'aide occidentale apportée à l'Ukraine et en fustigeant souvent au passage Emmanuel Macron, une cible privilégiée.

Les comptes utilisés présentent toutes les caractéristiques des "bots" prorusses - ces faux profils utilisés pour augmenter artificiellement la visibilité de publications - , a alerté dès décembre Eliot Higgins, le fondateur du collectif Bellingcat, spécialisé dans les enquêtes en sources ouvertes.

- Deepfakes universitaires -

Grâce aux données collectées par @antibot4navalny, l'AFP a observé une cinquantaine de publications liées à "Matriochka".

La plupart se contentent de republier des messages déjà présents sur X. Mais le collectif a aussi repéré des publications nées sur Bluesky, où se sont réfugiés de nombreux utilisateurs déçus par l'ex-Twitter.

Il est possible que "l'opération tente de tester son efficacité en termes de portée" avant d'autres offensives, observe Valentin Châtelet, du laboratoire d'analyse numérique de l'Atlantic Council, interrogé par l'AFP.

En usurpant l'identité d'universités, le but peut être d'"asseoir des arguments d'autorité", "en s'adaptant au public de Bluesky", analyse Peter Benzoni, un spécialiste des manipulations de l'information de l'Alliance pour la sécurisation de la démocratie, au sein du German Marshall Fund (GMF).

Dans une vidéo truquée, un professeur de l'université d'Aix-Marseille évoque des "nombreuses erreurs dans l'organisation des Jeux olympiques" liées aux difficultés de "l'économie de la France". A cause des "sanctions contre la Russie", suggère la légende.

Il s'agit d'un deepfake, un contenu dont l'audio a été manipulé : l'AFP a retrouvé la vidéo originale diffusée fin octobre sur le compte Instagram de l'université. Le professeur de droit n'y mentionnait nullement l'économie française et y faisait le bilan de l'année 2024 dans son département universitaire.

Des dizaines d'autres vidéos visionnées recourent à une mise en scène similaire avec un expert face caméra et le logo ou le nom de l’université. Après quelques phrases, des illustrations s'enchaînent, puisées dans des médias ou des banques d'images.

Autre exemple : sur des prises de vue du campus de l'université anglaise de Sunderland, des étudiants et des enseignants donnent prétendument leur avis sur la Russie, gratifiée d'adjectifs élogieux.

Là encore, il s'agit d'une manipulation. Dans la vidéo d'origine, retrouvée par l'AFP, il n’y a pas la moindre allusion à la Russie.

- Trucages "industrialisés" -

"Cela indique que la campagne a réussi à industrialiser sa fabrication de voix-off truquées, ce qui fait écho à une tendance commune à diverses opérations de désinformation provenant de la Russie", analyse Valentin Châtelet.

L'expert fait notamment référence à des campagnes d'influence comme "Doppelgänger", qui repose sur la copie des sites internet de médias occidentaux.

Le collectif @antibot4navalny a partagé une liste de comptes diffusant des infox sur Bluesky, appelant les internautes à les signaler.

Et l'AFP a constaté que la majorité des publications montrées du doigt ont été supprimées de la plateforme, qui encourage le signalement des contenus problématiques par ses utilisateurs et revendique un engagement actif contre la désinformation.

En 2023, son équipe de modérateurs affirme avoir traité plus de 358.000 signalements.

Selon Valentin Châtelet, le réseau social, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l'AFP, "est conscient du problème et sait que la communauté des vérificateurs de faits et des chercheurs de sources ouvertes enquête déjà sur ce contenu et le signale afin d'empêcher sa viralité".

Ses efforts sont "plutôt efficaces pour limiter l'opération" à l'heure actuelle, selon l’expert. Mais il rappelle que ces actions demeurent "très réactives" et que Bluesky doit encore prouver qu'il peut démanteler de manière "proactive" cette opération en cours.

K.Adams--MC-UK