"Il faut oser !": un atelier pour aider les femmes à négocier leurs salaires
"Allez, je me fais un petit peu violence et j'ose un truc": pour réduire les inégalités salariales persistantes entre hommes et femmes, un atelier propose d'aider ces dernières à être plus offensives pour négocier leurs augmentations.
Mi-décembre, 17 femmes sont réunies dans les locaux de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) de Nantes pour cet atelier gratuit.
Né dans cette ville en 2017 et piloté par l'école de commerce Audencia, le dispositif #negotraining s'est depuis décliné sur le territoire, avec différents partenaires, dont l'Apec, et a déjà bénéficié à plus de 5.500 femmes.
Face à une assistance de cadres entre la vingtaine et plus de 50 ans, en emploi ou au chômage, les formatrices - Dominique Flichy et Valérie Lucas, deux consultantes de l'Apec -, posent d'emblée les enjeux: "L'idée c'est quand même que vous repartiez beaucoup plus à l'aise avec ce sujet qui peut être un sujet de crispation".
Surtout pour les femmes, alors qu'elles signalent que près de 68% des jeunes hommes négocient leur salaire à la première embauche et seulement 53% des femmes.
Pour lancer la matinée, les formatrices proposent un premier petit exercice: "Parmi vous, quelles sont celles qui ont déjà tenté une négociation de salaire ?", demande Valérie, en leur demandant de se lever. Dix femmes s'exécutent.
"Qui a réussi ?": elles ne sont plus que six debout. "Pensez-vous que c'est grâce à vous ?": il n'en reste que... deux.
- "Oh la vache!" -
S'ensuit un petit quizz sur les inégalités en France: tous profils confondus, au rythme actuel, "il faudra 168 ans pour atteindre l'égalité économique", explique Valérie. Et "sur une vie, l'écart de rémunération entre femmes et hommes s'élève à 300.000 euros (480.000 pour les sur-diplômés), une petite maison quand même..."
"Oh la vache!", lance une participante.
Charlotte Dassonville, 35 ans, "tombe aussi un peu de (s)a chaise". "Je savais qu'il y avait des différences, mais à ce point là...", constate la jeune femme qui cherche un poste dans les ressources humaines.
Valérie et Dominique fournissent moult conseils pratiques: connaître sa valeur, mettre en avant ses réalisations, etc., insistant surtout sur la préparation en amont, car "l'impro, c'est risqué".
Pour illustrer ce point, les participantes font un petit jeu de rôle: elles doivent se vendre en une minute pour obtenir un rendez-vous, le temps d'un trajet d'ascenseur ("elevator pitch").
Comme d'autres, Nathalie Prouvèze, coordinatrice dans la gestion de projet qualité, quinquagénaire en recherche d'emploi, trouve l'exercice "pas si évident".
Parmi les conseils prodigués, Valérie et Dominique suggèrent d'aller rechercher des fourchettes de rémunération sur les sites spécialisés mais aussi de ne pas se focaliser uniquement sur les salaires, "la pointe de l'iceberg", en négociant les autres avantages (télétravail, forfait mobilité, intéressement...), voire le titre du poste (devenir directrice plutôt que responsable, par exemple).
Elles rappellent aussi qu'une directive européenne sur la transparence des rémunérations doit être transposée d'ici juin 2026.
"Moi, je n'aime pas dire combien je gagne", glisse une participante. "Mais ça permet de faire avancer tout le monde", relance une autre, tandis qu'une troisième note que "cette omerta sur les salaires arrange souvent les patrons".
Les formatrices assurent qu'après l'atelier "huit femmes sur dix se lancent dans la négociation et réussissent". "Il faut oser", insistent-elles, car sinon, "vous n'obtiendrez jamais rien".
A l'issue de l'atelier, les participantes sont satisfaites. L'une d'elles se réjouit de repartir avec "un peu plus de muscle", d'autres évoquent "plus d'assurance", "de légitimité", ou "des outils".
Sandrine, 42 ans, qui travaille dans le secteur mutualiste, juge l'atelier "très intéressant". Ca progresse mais, pour des raisons "historiques", "on rame pour avoir cette égalité", dit-elle.
"Je pense que malheureusement, il y aura toujours des écarts", estime Charlotte, qui se sent plus prête à "oser".
Eloïse Hardouin, 37 ans, qui travaille dans la métallurgie, note qu'"il n'y a pas de formation équivalente pour les hommes". Niveau confiance en eux, ils n'ont "pas le même héritage que les femmes".
M.Jenkins--MC-UK