En Serbie, les opposants au lithium relancent les manifestations
Plus d'un millier d'opposants à l'ouverture d'une mine de lithium dans l'Ouest de la Serbie ont manifesté vendredi, lançant un ultimatum au gouvernement et espérant une nouvelle vague de contestation deux ans après la première qui avait mis fin au projet.
Sur une scène face aux manifestants, les organisations à l'appel du rassemblement ont lu leur demande : l'interdiction - inscrite dans la loi - de l'exploration et l'exploitation du lithium en Serbie.
"Nous vous donnons 40 jours. Et si au 41e jour la loi n'est pas adoptée, nous bloquerons le pays, nous harcèlerons le gouvernement", a lancé Marijana Petkovic, militante du mouvement "Ne damo Jadar".
Rio Tinto, le géant minier australien qui espère pouvoir exploiter les milliers de tonnes de lithium dont regorge cette région de Serbie, a beau expliquer depuis des mois que l'impact écologique sera minime, les manifestants n'en croient rien.
"Je crois que les nappes phréatiques seront contaminées. Je n'ai pas besoin d'écouter qui que ce soit, je n'ai pas besoin de scientifique : aucune mine ici n'est écologique, alors celle-là non plus", explique dans le cortège Petar Cergic, un mécanicien de 44 ans.
Drapeaux en main et chants patriotiques sur les lèvres, toutes celles et ceux venus à Loznica espèrent faire plier une fois encore le gouvernement.
Parmi les manifestants, une trentaine de militants arrivés à pied depuis Belgrade, à plus d'une centaine de kilomètres, afin de prouver leur résolution à lutter contre le projet.
"Nous voulions montrer notre détermination en venant à pied depuis Belgrade, pour que Rio Tinto (qui possède le terrain, ndlr) et le gouvernement réfléchissent à deux fois à ce qu'ils font", explique à l'AFP Ivan Bjelic, militant du mouvement écologiste "Mars sa Drine".
Le rassemblement a été organisé à l'appel de l'Alliance des organisations écologiques de Serbie, et est soutenu par une grande majorité de l'opposition. Plusieurs activistes ont pris la parole avant la fin du rassemblement, vers 22H (20H GMT) pour expliquer leur opposition le projet de Rio Tinto baptisé "Jadar" du nom de la rivière qui coule non loin.
- "Patriotisme" -
Manifester contre le projet "c'est la plus grande preuve possible de patriotisme", pour Katarina Popovic, professeure à la Faculté de philosophie de Belgrade.
"N'importe qui s’intéresse ne serait-ce qu'un peu à ce pays, en laissant toutes les idéologies de côté, tous ceux qui se préoccupent de cette terre, du futur de nos enfants, sont là aujourd'hui".
En 2021, de grandes manifestations à Belgrade avaient mis un coup d'arrêt à ce projet d'extraire plusieurs dizaines de milliers de tonnes de lithium par an dans cette région. Un "or blanc" essentiel à la fabrication de batteries, crucial pour la transition écologique, et dont regorge cette partie de la Serbie.
Mais les opposants craignent que cette mine souterraine ne pollue le sol, les eaux etc.
"Le projet signifierait des ravages irréversibles", affirme Zlatko Kokanovic, vice-président de l'association "Ne Damo Jadar". "Cela nous laisserait sans eau pure, polluerait l'air et le sol".
Pour le géant minier australien, ces craintes sont infondées. Il a publié mi-juin une première étude dans laquelle il explique que toutes les mesures possibles seront prises pour limiter les impacts environnementaux.
Et dénoncé "une vaste campagne de désinformation à partir d'éléments diffamatoires, avançant sans preuve que Rio Tinto et le projet Jadar auraient des répercussions nocives et destructrices sur l'environnement et la santé publique".
Découvertes en 2004, les réserves de Jadar pourraient, selon Rio Tinto, produire annuellement 58.000 tonnes de carbonate de lithium, 160.000 tonnes d'acide borique, et 255.000 tonnes de sulfate de sodium. Ce qui en ferait un des gisements les plus importants d'Europe pour le lithium.
Après avoir arrêté les travaux en 2022, le président serbe a annoncé au Financial Times que si Rio Tinto présentait de bonnes garanties, "la mine pourrait ouvrir en 2028".
Son Premier ministre, Milos Vucecis, a expliqué mardi à l'AFP qu'il ne laisserait jamais "personne détruire les rivières, les champs, les forêts, les montagnes".
Mais "si la Serbie possède un tel potentiel économique, intéressant pour tout le continent européen, alors cela peut être un tournant non seulement économique, mais aussi politique", a-t-il ajouté.
N.Bobellon--MC-UK