Ukraine: éclipsés un temps par Kharkiv, les combats dans le Donbass ne connaissent pas de répit
Devant une maison de Iampil, Volodymyr Zelensky entrouvre son portail. Ce sexagénaire ukrainien, fier homonyme de son président, est le témoin de la déliquescence de son village bien-aimé du Donbass, situé bien trop près du front.
Si l'offensive russe dans la région de Kharkiv, plus au nord, a concentré l'attention internationale depuis son lancement début mai, la Russie ne relâche pas la pression dans l'Est ukrainien. Bien au contraire.
"Les gens s'enfuient", constate Volodymyr Zelensky. Lui n'a aucune intention de partir, même s'il a peur.
Plusieurs roquettes sont tombées récemment non loin de là, sans toucher de maison mais creusant des cratères de "sept mètres de diamètre", s'étonne l'habitant, entre un parterre de tulipes jaunes et deux chiens assoupis.
La maison voisine de celle de Volodymyr est détruite et, autour, de nombreuses autres sont barricadées.
Quand son village a été occupé par l'armée de Moscou durant la première année de l'invasion, en 2022, il avait aussi refusé de "tout abandonner".
La bourgade a été reprise, mais reste menacée. Volodymyr craint que si les soldats russes reviennent un jour, ils seront "plus cruels", radicalisés par deux années de combats.
Dans les rues de Iampil, à une dizaine de kilomètres d'un tronçon plutôt stable du front de la région de Donetsk, le spectacle le plus commun est le ballet des véhicules militaires.
- Villages fantômes -
Mais partout dans la zone la guerre, déclenchée dans cette région dès 2014 par soulèvement séparatiste piloté par Moscou, a laissé derrière elle des villages fantômes dont la liste ne fait que s'allonger.
La Russie, qui revendique entre autres l'annexion des régions orientales de Donetsk et Lougansk, concentre ses attaques les plus massives dans l'Est, selon les responsables ukrainiens.
Pour Kiev, l'offensive de Kharkiv vise avant tout à dégarnir les rangs ukrainiens dans le Donbass en allongeant le front et en forçant un redéploiement des troupes.
Près de Iampil, les lignes ne bougent guère, mais à une quarantaine de kilomètres plus au sud, les soldats russes avancent, lentement mais sûrement malgré leurs pertes, face à une armée ukrainienne en manque d'hommes et de moyens.
Les troupes russes sont bien établies dans les alentours de Tchassiv Iar, ville stratégique car haut perchée et dont la chute pourrait conduire à une poussée vers la grande cité de Kramatorsk.
Un peu plus au sud, ce sont les zones de Pokrovsk et Kourakhové qui sont particulièrement sensibles.
"La situation est assez difficile", résume Maxime, commandant d'une compagnie de tankistes dans la 59ème brigade qui combat dans la zone de Pokrovsk. "Presque quotidiennement, nous repoussons deux, trois attaques."
Depuis une dizaine de jours, "il y a eu une nette augmentation du nombre de soldats ennemis et ils ont apporté des véhicules blindés ainsi que de l'artillerie à longue portée", dit ce militaire de 38 ans.
"C'est l'une des zones les plus chaudes", acquiesce son adjoint Serguiï, ou "Dyrman", 36 ans.
En février, la Russie a réussi à prendre la ville-forteresse d'Avdiïvka qu'elle convoitait depuis des années. Depuis, rares sont les semaines sans qu'elle ne revendique la conquête d'un ou plusieurs villages. S'il s'agit généralement de localités en ruines à l'importance réduite, ces signaux n'en minent pas moins le moral des combattants ukrainiens.
- Attaques constantes -
"Pour beaucoup, c'est difficile de rester optimiste", constate le jeune droniste Danylo, nom de guerre "Macron", évoquant des pertes humaines "lourdes" depuis l'hiver, notamment du fait de la pénurie de munitions.
Selon lui, l'offensive russe autour de Kharkiv n'a en rien "allégé la pression" dans l'Est.
Tchassiv Iar est plus que jamais dans le viseur de l'armée russe, qui espère pouvoir y orchestrer une percée. Cette semaine, d'épaisses volutes de fumée noire s'y élevaient dans le ciel, témoignant des combats.
Selon Rouslan, chargé de la communication de la 41ème brigade, les Russes sont encore cantonnés dans les faubourgs, mais "ils essaient constamment d'entrer".
Sa brigade attend de nouvelles recrues, mais le soldat sait qu'il en faudra encore davantage. Entre les blessés, les morts et l'épuisement, "on a besoin de gens", dit-il.
A.Smith--MC-UK