Stress post-traumatique: des experts américains votent contre un traitement à la MDMA
Un comité consultatif d'experts américains s'est prononcé mardi contre l'autorisation aux Etats-Unis d'un traitement contre le stress post-traumatique utilisant de la MDMA, une drogue aussi connue sous le nom d'ecstasy et généralement plutôt consommée illégalement lors de fêtes.
Le traitement, pris en combinaison avec des séances de psychothérapie, est développé par Lykos Therapeutics et a été étudié lors d'essais cliniques. Mais les procédures utilisées pour mener ces essais et la solidité des résultats ont été jugées insuffisantes par les experts.
L'agence américaine des médicaments (FDA) avait convoqué ce comité d'experts indépendants afin de recueillir leur avis sur ces données. La FDA n'est pas tenue de le suivre mais il est rare qu'elle ne le fasse pas.
En fin de journée, lors d'un vote, 9 experts sur 11 ont estimé que le traitement n'avait pas démontré son efficacité pour traiter les troubles du stress post-traumatique (TSPT). Et 10 sur 11 ont jugé que les bénéfices du traitement ne l'emportaient pas sur ses risques.
"Je pense que c'est un traitement enthousiasmant" et "je suis d'accord pour dire qu'on nous avons besoin de traitements nouveaux et meilleurs contre le TSPT", a déclaré l'un des experts, Paul Holtzheimer, du Centre national pour le TSPT. "Mais je pense qu'à la fois du point de vue de son efficacité et de sa sûreté, c'est prématuré."
Le stress post-traumatique survient après un événement traumatisant et touche environ 5% de la population américaine. Les personnes concernées ont, entre autres, davantage de risques de comportements suicidaires et de toxicomanie. Il n'existe pour le moment aux Etats-Unis que deux traitements autorisés et ils ne sont pas toujours efficaces.
La MDMA est étudiée car elle peut "favoriser" un "sentiment de connexion à autrui" et "des états d'introspection", selon la FDA.
- "Amélioration rapide" -
Un peu moins de 200 personnes ont participé à deux essais cliniques similaires: la moitié des participants ont reçu de la MDMA (ou midomafetamine) et l'autre moitié un placebo, lors de trois séances de chacune huit heures, espacées de plusieurs semaines et conduites en présence d'un thérapeute.
Elles avaient lieu dans une salle "confortable, avec un canapé" et "un éclairage doux", a décrit Berra Yazar-Klosinski, responsable scientifique chez Lykos Therapeutics.
Plusieurs séances de psychothérapie étaient ensuite prévues entre chaque prise.
Les participants ayant reçu de la MDMA "ont semblé expérimenter une amélioration rapide, cliniquement significative et durable de leurs symptômes de stress post-traumatique", a écrit la FDA. "Toutefois, plusieurs facteurs rendent ces données difficiles à interpréter", a ajouté l'agence.
D'abord, en raison des effets puissants de la MDMA affectant l'humeur et les sensations, les patients étaient largement capables de deviner s'ils avaient reçu le traitement ou un placebo, ce qui a pu influencer les résultats.
De plus, la FDA a critiqué une évaluation selon elle "incomplète" des possibles effets secondaires, notamment concernant les risques cardiaques du traitement. Des augmentations significatives de la pression artérielle et du pouls ont été observées chez les participants.
Les experts du panel ont également pointé la forte proportion de patients inclus dans l'essai clinique ayant déjà pris de la MDMA par le passé, ce qui a pu selon eux fausser les résultats.
- Inquiétudes -
Ils ont enfin été sensibles à de possibles problèmes soulevés par le récent rapport d'une organisation examinant les essais cliniques, l'ICER. Selon ce rapport, les participants aux essais cliniques étaient encouragés à rapporter les bénéfices du traitement et non ses effets indésirables.
Interrogée mardi sur la question, Tiffany Farchione, responsable au sein de la FDA, a déclaré que des "inspections" étaient en cours. "Nous prenons ces allégations très au sérieux et elles nous inquiètent assez", a-t-elle ajouté.
Selon un communiqué de Lykos Therapeutics, la FDA devrait décider de l'autorisation ou non du traitement d'ici mi-août.
Si autorisé, l'agence envisagerait un encadrement strict du traitement, qui ne pourrait être administré que par certains établissements certifiés à des patients enregistrés dans un registre leur permettant d'être suivis.
Les séances devraient être encadrées par deux personnes, et les patients ne pourraient rentrer chez eux qu'accompagnés d'un autre adulte, sans avoir le droit de conduire le jour suivant.
La MDMA est pour le moment une substance illicite aux Etats-Unis et son autorisation pour un traitement médical représenterait donc un changement majeur.
De manière générale, les scientifiques se penchent de plus en plus sérieusement sur l'utilisation de psychédéliques (psilocybine...) pour traiter diverses pathologies (dépression...).
A.Featherswallow--MC-UK