Thierry Cotillard, le fonceur qui a entraîné les Mousquetaires dans la consolidation de la grande distribution
Enorme acquisition de magasins Casino, omniprésence médiatique et même un match de football avec Emmanuel Macron: Thierry Cotillard, qui préside depuis un peu plus d'un an à la destinée des Mousquetaires/Intermarché, se démultiplie pour mener de front des chantiers parfois vertigineux.
"L'entraîneur annonce la composition pour la deuxième mi-temps: en défense, Christian Karembeu, Laurent Blanc, Marcel Desailly, Thierry Cotillard!" Le quinquagénaire, supporter de l'EA Guingamp mais plutôt taillé pour le rugby, se remet à peine de ses émotions, un mois après un match aux côtés de ces légendes du football, organisé par le Variétés Club de France au bénéfice des Pièces jaunes.
Les Mousquetaires sont partenaires de l'opération, ce qui a valu à leur patron de jouer avec, outre des champions du monde, le président de la République.
Le groupement est un géant de la distribution, 53 milliards d'euros de chiffre d'affaires avec l'enseigne Intermarché, troisième réseau de supermarchés alimentaires en France derrière E.Leclerc et Carrefour, mais aussi les spécialistes du bricolage Bricomarché, Brico Cash ou Bricorama.
- Gigantesque opération -
150.000 personnes y travaillent, sous la conduite d'un peu plus de 3.100 chefs d'entreprises à la tête de quelque 4.000 points de vente en France (3.226), Portugal, Belgique et Pologne.
Comme E.Leclerc et Coopérative U, Les Mousquetaires sont en effet un groupement d'indépendants, notamment en matière de politique sociale ou d'investissements en magasin.
Même si de l'aveu de son dirigeant, le groupement est "l'indépendant le plus intégré" où "tout passe à Tréville", le nom du siège, situé à Bondoufle (Essonne), il a fallu un peu de persuasion pour entraîner tout le monde dans le rachat de près de 300 magasins Casino, la plus grosse opération de concentration du secteur au XXIè siècle.
Les points de vente, certains très fatigués, ont été acquis par le groupement et doivent ensuite être rachetés par des adhérents. A date, "à peu près tous ont eu des marques d'intérêt, même si on a hâte d'être en fin d'année pour être sûr que tout sera bien vendu", explique Thierry Cotillard à l'AFP.
Dans le même temps, cet "impatient" revendiqué a engagé le groupement dans une alliance sur les achats d'une durée inhabituellement longue - dix ans - avec ses concurrents Auchan et Casino, et anticipe le "chantier qui nous attend" d'Agromousquetaires, filière de production alimentaire dont certaines branches pourraient faire l'objet d'une restructuration.
"C'est très ambitieux, d'autant plus pour un groupe de patrons indépendants qui misent leur propre argent", observe un concurrent sous couvert d'anonymat, évoquant "une vraie aventure". "Il faut que cela fonctionne sans quoi le retour de bâton peut être extrêmement violent".
Le groupement est coutumier des révolutions de palais. C'est d'ailleurs à l'issue d'une fronde interne que le médiatique dirigeant, qui avait déjà présidé la branche alimentaire entre 2015 et 2020, en a pris la tête début 2023.
- "Entre deux mondes" -
Son style tranche radicalement avec son prédécesseur Didier Duhaupand, aussi discret que Thierry Cotillard est à l'aise dans la lumière.
Le natif de Saint-Brieuc, patron de magasins situés dans la chic banlieue ouest parisienne, revendique évoluer "entre deux mondes", "très heureux" dans son petit village breton comme "de rencontrer des grands patrons ou de discuter avec Bruno Le Maire".
"Je me nourris de ça, je ne veux pas être dans une case", explique-t-il dans le petit bureau encombré de son magasin d'Issy-les-Moulineaux, au pied du siège de Coca-Cola France.
Tous lui reconnaissent une vraie énergie et l'envie de rassembler, et il a été moteur dans l'arrivée en mars de E.Leclerc et des Mousquetaires au sein de la FCD, le "lobby" des supermarchés qui entend notamment peser davantage au niveau politique.
Son charisme et ses qualités de communicant peuvent aussi être des atouts pour un groupement généralement perçu comme dur dans les négociations avec les fournisseurs, et plutôt moins-disant sur les conditions de travail.
Mais le défi est de taille pour le dirigeant, élu pour un mandat de quatre ans et demi.
"Il est intelligent, très intuitif et sensible, et a su mettre les bons alliés aux bons endroits pour empêcher de laisser émerger des oppositions", observe un bon connaisseur sous couvert d'anonymat. Mais "il va falloir que la stratégie engagée paye".
N.Bell--MC-UK