Prix du carburant: "on court à la catastrophe", s'alarment aides à domicile et infirmiers
Des aides à domicile et auxiliaires de vie "en danger", "une flambée insoutenable" pour les infirmiers libéraux: l'envolée des prix à la pompe alarme les professionnels du soin qui cumulent les kilomètres pour se rendre chez leurs patients.
"On court à la catastrophe. La profession a déjà un pied dans la tombe et on est en train d'y glisser complètement", témoigne auprès de l'AFP Louisa Hareb, aide à domicile à Saint-Etienne.
"Ce mois-ci, la moitié de mon salaire est déjà engloutie par les hausses. On en arrive au point où ça va coûter plus cher d'aller travailler que de rester chez soi", confie au téléphone entre deux interventions celle qui est entrée "par passion" dans le métier en 2013.
La page Facebook du collectif "La force invisible des aides à domicile" (6.300 membres) permet de prendre la température d'une profession sous-payée, en mal de recrutement mais dont la pandémie a révélé le rôle essentiel auprès des personnes âgées. "Le secteur était déjà malade avant le Covid. Désormais, il est à l'agonie", assure la présidente du collectif, Anne Lauseig, aide à domicile à Bordeaux.
Exerçant dans l'Aveyron, Sandrine a posté mardi la photo d'une pompe à essence où le prix du litre s'affiche à 2,060 euros. "Aide à domicile en danger", commente sur le réseau social Rafaèle, qui précise que l'indemnité pour "les intermissions", c'est-à-dire ce qu'elle perçoit pour se rendre avec son véhicule au domicile des personnes dont elle s'occupe, est de 0,35 euros par kilomètre.
Sa collègue Cathy publie l'extrait de la convention collective, qui détaille "ce que les 35 centimes enrobent": la part du carburant y est de 0,13 euros. L'ADMR, réseau national d'employeurs associatifs, a décidé d'augmenter de 0,02 euro cette part, entre le 1er février et fin mai.
- "Ma voiture c'est ma résidence secondaire" -
"Il y a beaucoup de démissions, de burn-out", constate Anne Lauseig, qui égrène "les kilomètres qui s'accumulent, les emplois du temps qui bougent sans arrêt" et rapporte le cas d'une collègue "obligée de dormir dans sa voiture".
"Ma voiture c'est ma résidence secondaire", ironise Patricia Dupont, auxiliaire de vie dans le Calvados. "Ce week-end, j'ai fait 330 km. Hier, 210 km, ce qui est une journée normale", raconte-t-elle. "Je suis au Smic et mon entreprise me reverse 22 centimes par km. Ca devient lourd sur le budget. On continue ce métier par amour de nos bénéficiaires mais une compensation plus significative, ce serait salvateur."
Infirmière libérale, Ghislaine Sicre "fait 140 km par jour" dans une région "semi-rurale" près de Montpellier. "Imaginez les problématiques des collègues en zone rurale ou en montagne ! Pour certains patients, on travaille à perte."
"On est à 2,50 euros brut d'indemnité forfaitaire de déplacement quand les kinés ont 4 euros, les médecins dix euros". Résultat: "des patients sont obligés de rester plus longtemps à l'hôpital car ils ne trouvent pas d'infirmiers qui veulent se déplacer", explique Mme Sicre, également présidente du syndicat Convergence infirmière, qui vient de lancer une pétition "pour des mesures de compensation". Elle totalisait près de 26.000 signatures mercredi matin.
"Faudra-t-il ne plus se déplacer pour être entendu ?", demande la Fédération nationale des infirmiers tandis que le syndicat Sniil parle d'une "flambée insoutenable" pour une profession qui prend en charge "plus de quatre millions de patients à domicile, dont certains sont très isolés".
Le gouvernement a détaillé mercredi un "plan de résilience" pour faire face aux conséquences économiques du conflit en Ukraine, incluant la remise de 15 centimes d'euros par litre de carburant à partir du 1er avril annoncée samedi par Jean Castex. Le Premier ministre a rappelé qu'elle concernerait les particuliers aussi bien que les professionnels qui utilisent beaucoup leur véhicule, citant notamment "les aides à domicile".
J.Owen--MC-UK