Russie: procès express pour le reporter américain Evan Gershkovich
La justice russe a annoncé jeudi que les plaidoiries finales au procès à Ekaterinbourg du journaliste américain Evan Gershkovich auront lieu vendredi, actant des débats à huis clos express et ouvrant la voie à une condamnation prochaine, condition préalable à un possible échange de prisonniers avec Washington.
Ce reporter connu pour son professionnalisme avait été arrêté fin mars 2023, en reportage à Ekaterinbourg (Oural), pour "espionnage", accusation que la Russie n'a jamais étayée et que lui, sa famille, ses proches et la Maison Blanche rejettent.
"Demain, l'audience aura lieu à 10H30 (05H30 GMT), il y aura les plaidoiries finales", a indiqué à l'AFP Ekaterina Maslennikova, porte-parole du tribunal régional Sverdlosvki d'Ekaterinbourg, où le reporter est jugé.
C'est à l'issue des plaidoiries que le procureur doit prononcer son réquisitoire. M. Gershkovich risque jusqu'à 20 ans de prison. Le verdict peut être annoncé dans la foulée, dès vendredi, ou à une date ultérieure.
Correspondant du Wall Street Journal et ancien journaliste du bureau de l'AFP à Moscou, il est détenu en Russie depuis presque 16 mois.
L'audience de jeudi n'était que la deuxième depuis l'ouverture le 26 juin de son procès, qui se tient entièrement à huis clos, toute la procédure étant placée sous le sceau du secret.
Cette deuxième audience, prévue initialement en août, avait été avancée à la demande de la défense.
Contrairement à la fois précédente, les journalistes n'ont pas pu voir l'accusé dans la salle avant le début des débats.
L'agence de presse Ria Novosti a toutefois affirmé qu'un élu local, Viatcheslav Vegner, avait été entendu jeudi, car il aurait été interviewé par Evan Gershkovich avant son arrestation en mars 2023.
Une journaliste de l'AFP présente sur place a vu ce député du parlement régional au tribunal.
- "Pas un espion" -
Pour Washington, l'arrestation d'Evan Gershkovich, 32 ans, vise avant tout à monnayer un possible échange de prisonniers.
Moscou a admis négocier sa libération et le président russe Vladimir Poutine a évoqué lui-même le cas de Vadim Krassikov, en prison en Allemagne pour un assassinat commandité attribué aux services spéciaux russes.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov s'est borné à dire mercredi, depuis le siège de l'ONU à New York, que des contacts étaient en cours "pour voir s'il est possible d'échanger quelqu'un contre quelqu'un", selon l'agence d'Etat russe TASS.
Fin juin, la Maison Blanche a dénoncé un "simulacre" de procès, répétant que M. Gershkovich n'avait "jamais travaillé pour le gouvernement" américain, n'était "pas un espion" et "n'aurait jamais dû être arrêté".
- Détention "arbitraire" -
Au premier jour de son procès, le 26 juin, Evan Gershkovich était apparu le crâne rasé, la coupe imposée aux prisonniers, mais toujours souriant dans la cage en verre réservée aux accusés. S'il ne peut faire de déclarations, il avait adressé des signes aux personnes qu'il connaissait.
Le journaliste communique avec sa famille et ses amis via des lettres lues et censurées par l'administration pénitentiaire. Dans ces courriers, il dit garder le moral, attendre sa condamnation, vouloir voir le ciel plus souvent, le tout avec des traits d'humour.
Le reporter, enfant d'immigrés ayant fui l'URSS pour les Etats-Unis, s'était installé en Russie en 2017.
Début juillet, un panel d'experts de l'ONU a estimé que sa détention était "arbitraire" et qu'il devait être libéré "sans délai".
Les enquêteurs accusent M. Gershkovich, qui avait travaillé pour l'AFP à Moscou en 2020-2021, d'avoir collecté des informations sensibles pour la CIA sur l'un des principaux fabricants russes d'armements, l'entreprise Ouralvagonzavod.
Cette usine produit notamment des chars T-90 utilisés en Ukraine et ceux de nouvelle génération Armata, alors que son activité civile est la production de wagons de marchandises.
La Russie détient plusieurs autres Américains, dont la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, arrêtée en 2023 pour une infraction à la loi sur les "agents de l'étranger", et l'ex-Marine Paul Whelan, qui purge une peine de 16 ans de prison pour espionnage, une accusation qu'il conteste.
Une ressortissante russo-américaine, Ksenia Karelina, est jugée depuis le 20 juin, à Ekaterinbourg aussi, pour haute trahison, accusée d'avoir donné de l'argent à un groupe de soutien à l'Ukraine.
Un autre Américain, Michael Travis Leake, a lui été condamné jeudi à Moscou à 13 ans de prison pour trafic de drogue.
P.Wright--MC-UK